Il n’aura pas fallu attendre longtemps après les élections Européennes pour attaquer l’acte 2 du quinquennat Macron. On apprend aujourd’hui que la prochaine réforme des retraites, dont nous devrions connaître le contenu exact dans les prochaines semaines, pourrait être l’occasion de repousser l’âge à partir duquel les futurs retraités pourront partir à la retraite avec un taux plein.

Aujourd’hui, peuvent partir à la retraite à taux plein, les personnes âgées de 62 ans (ou 60 ans pour les carrières longues) ET qui ont cotisées au moins 41.50 années (= 166 trimestres) progressivement majoré pour atteindre 43 ans (172 trimestres) en 2035.

La prochaine réforme des retraites pourrait modifier ce mécanisme pour imposer un âge pivot à partir duquel vous pourrez partir à la retraite à taux plein : Les futurs retraités qui prendraient leur retraite avant leur 64 ans en 2025 progressivement majoré pour atteindre 65 ans en 2035 seraient pénalisés et subiraient une décote sur le montant de leur pension retraite. On parle d’âge pivot. 

Le montant de la décote n’a pas encore été chiffrée, mais il semble qu’elle pourrait s’appliquer à vie. A l’opposé un système de surcote est envisagé pour ceux qui accepteraient de travailler au delà de leur 64 ans puis 65 ans.

Bref, il s’agit d’augmenter l’âge de départ à la retraite sans le dire au détriment de ceux qui ont beaucoup travaillé pendant leur vie active, c’est à dire ceux qui ont réussi à obtenir 41.50 ans puis 43 ans de cotisation avant leur 64 ans !

Demain, vous pourrez toujours partir à la retraite à 62 ans mais votre retraite sera décotée si vous partez avant vos 64 ans ou 65 ans.

Dans un système par point, on ne parle plus de taux plein ou de nombre de trimestres cotisés.

Il faut bien comprendre que le nouveau régime de retraite par répartition est un régime par point ! Toute votre vie, vous cotisez, c’est à dire que vous épargnez des points qui se transformeront en pension retraite lors de votre départ à la retraite (cf »Comprendre la réforme des retraites avec les comptes notionnels. »).

Ainsi, dans le prochain régime de retraite par répartition, on ne devrait plus parler de taux plein, de nombre de trimestres cotisés ou même de carrière longue. Chacun pourra partir en retraite librement à partir de 62 ans … mais il touchera une pension retraite dont le montant sera fonction du capital de point qu’il aura épargné pendant toute sa vie active !  (Plus vous cotisez, plus votre capital en point augmente, et donc plus votre retraite sera élevée)

Vous l’avez compris, l’âge de départ à la retraite à 62 ans est purement théorique puisqu’il n’est pas la garantie d’une retraite décente : Vous pourrez partir à la retraite à 62 ans mais le montant de votre retraite sera t’il suffisant pour assurer votre train de vie … vous devrez probablement prolonger votre vie active pour augmenter le capital épargné et ainsi améliorer votre retraite (un plus grand nombre de point à « dépenser » sur une espérance de vie plus courte, permet d’espérer une meilleure retraite).

Cet âge pivot est une contrainte supplémentaire dans un système qui se veut sans contrainte : Vous êtes libre de partir à 62 ans, mais vous serez pénalisé et subirez une décote si vous partez avant 64 ans puis 65 ans en 2035.

Ceux qui voudraient se contenter du montant de la pension retraite à laquelle ils pouvaient prétendre à 62 ans seront découragés liquider leur droit à la retraite en seront encouragés à attendre 64 ans ou 65 ans.

Ainsi, le régime de la retraite par point est un régime de capitalisation par répartition dont les gagnants seront ceux qui auront la capacité à beaucoup cotiser (car ils auront des revenus importants) et qui auront d’autres sources de revenus leur permettant de partir à la retraite à 62 ans. En effet, ces derniers pourront, dès 62 ans, liquider leur droit à la retraite, percevoir une retraite fonction du montant cotisé pendant leur vie active … et profiter de leurs revenus autres pour s’assurer une retraite paisible.

Ces derniers seront libérés de la contrainte du nombre de trimestre à cotiser et pourront compenser une durée active plus courte (départ à la retraite plus jeune ou entrée dans la vie active plus tardive) par un niveau de cotisation plus élevé (grâce à leur revenu plus important).

Les autres, c’est à dire la grande majorité de nos concitoyens n’auront pas d’autres choix que de travailler plus longtemps pour capitaliser davantage de points et espérer percevoir une pension retraite suffisante. Pour ces derniers, il pourra être nécessaire de cotiser bien au delà des 41.50 ans ou 43 ans exigé aujourd’hui et c’est pour eux que la question de l’âge pivot à 64 ans ou 65 ans peut paraître inéquitable : Celui qui a commencé à travailler à 18 ans aura cotisé pendant 47 ans !

Faut il y voir une réforme qui aurait pour conséquence d’augmenter encore le sentiment d’inégalité dans la société.

Faut il y voir une réforme qui aurait pour conséquence d’augmenter encore le sentiment d’inégalité dans la société entre :

– Ceux (urbains, diplômés, haut revenus) qui profitent de la mondialisation, qui pourront tirer profit de cette nouvelle réforme des retraites pour gagner en souplesse et liberté ;

– Et les autres (employés, salariés, ouvrier, peu diplômé, petit salaire proche du smic, qui commencent à travailler tôt, subissent le chômage) … et qui ne pourront plus espérer partir à la retraite à 62 ans mais devront travailler bien au delà de leur 62 ans ou même 64 ou 65 ans pour espérer avoir les moyens de vivre correctement.

A suivre … Pour le moment, il est inutile de réaliser trop de projections car nous ne connaissons pas encore le cœur de la réforme à savoir quel est le taux de revalorisation des points capitalisés et surtout qui fixe ce taux de revalorisation ! A quoi bon accumuler des points, si la valeur future du point est aléatoire et fixée selon les intérêts dogmatiques de telles ou telles castes, corporation ou politique….(cf »Réforme des retraites : De l’utopie d’un nouveau régime qui renforce la solidarité à la réalité politique. »)

Guillaume FONTENEAU — 7 juin 2019